Dans Martyre, la chorégraphe Malika Djardi rend hommage à sa mère, Marie Bernadette Philipon, résidente d’un EPHAD et atteinte de la maladie d’Alzheimer. Entre la mère filmée en vidéo et la fille présente au plateau se tisse un duo filial profondément incarné, intime, où la danse devient archéologie de la mémoire, et symbolise la force du lien.

« Par la danse, ma mère transforme sa souffrance en un endroit de présence que je trouve hors du commun. Un état d’être là, purement, au monde.C’est comme une transformation de ce qu’elle porte, devenu léger, devenu secondaire. Il y a de l’absolu, du mystère, là-dedans. »

Martyre se situe entre la souffrance et la grâce. Souffrance de l’isolement, de la maladie. Grâce du geste. Grâce dans la prière. « Ma mère est une personne très croyante. J’ai souvent trouvé que ses prières faisaient penser à des exercices de danse contemporaine. Balancement du corps, ressenti des poids du corps qui se déversent, qui font penser au standing still de Steve Paxton… »

« La danse de ma mère déploie son chemin à elle. »

Martyre entend donc faire appel à la mémoire au moment où celle-ci s’absente. Mémoire du geste, mémoire musicale : « je veux connecter les souvenirs musicaux du public, ceux de ma mère, les miens, à la façon d’un medley décomposé, étiré. On y trouve les traces de danses de salon, tango, paso doble, jive, chacha, mais aussi des reprises, Rihanna, Schubert, Françoise Hardy, que ma mère aime beaucoup. »

« Alzheimer, ce sont des bribes, l’impermanence complète. Ce qu’elle fait est fugace, fragile ».

« Je n’avais jamais vu ma mère danser, avant le projet. Et pourtant, mes parents se sont rencontrés dans un dancing… Je me suis demandé d’où venaient ses gestes. La recherche a commencé dans cet hybride que sont ces traces de danses codifiées, et ce que ma mère m’offre comme espace de liberté. »

« Un mouvement n’est rien sans la façon de l’habiter. »

Malika Djardi travaille à la réalisation d’un documentaire autour du travail de création de Martyre. Comment prendre soin de l’autre ? Le toucher, le soin, le corps, sont au cœur du film. Mais l’objet du documentaire est aussi de parler des personnes en EPHAD, de l’isolement, de l’empêchement, et des enjeux d’un processus de création chorégraphique malgré la perte des mots et de la mobilité.

« Je trouve très beau que la danse nous permette de partager ce moment qui n’est que du présent. La maladie d’Alzheimer libère du passé comme du futur. Elle oblige à réapprendre, constamment. Or, il y a de la beauté dans le fait d’être obligé de réapprendre. Tout devient neuf. Apprendre à désapprendre, pour commencer à vivre ? »

27 mars 2024 : Création au Théâtre de l'Oiseau Mouche avec le Gymnase CDCN de Roubaix

4-5 avril 2024 : Dancing Center CDCN de Dijon

Production : association STAND
Coproductions et soutiens: Charleroi Danse; Le Dancing – Centre de Développement Chorégraphique National de Dijon Bourgogne Franche-Comté ; Aide à l’expérimentation: RAMDAM Un Centre d’art; Saison Montpellier Danse 2022/2023 dans le cadre de l’accueil en résidence à l’Agora cité internationale de la danse; Le Gymnase Centre de Développement Chorégraphique National de Roubaix; CCN Ballet national de Marseille dans le cadre de l’Accueil Studio | Résidences: Centre National de la Danse à Pantin et à Lyon, BIRD Studio St Rémy de Provence