- Behind The Scenes
- Pièce chorégraphique
- 15.01.2024
Salomé Poloudenny est styliste, costume designer et directrice artistique. Après une première collaboration avec (LA)HORDE et le Ballet national de Marseille en 2019 et 2020 sur les costumes de Room With a View, le collectif lui a renouvelé sa confiance pour la création des looks de sa nouvelle pièce, Age of Content, en collaboration avec Diesel. Elle revient pour nous sur le processus collectif et le parcours intime qui l’ont menée des premières réunions d’écriture en 2021 aux tableaux finaux qui ont pris vie sur scène.
« Age of Content, l’âge du contenu… Ça évoque tous les mouvements sociaux, esthétiques, politiques, géopolitiques qui traversent notre époque, mais aussi – et surtout – les écrans, ce qui nous est transmis et ce que l’on diffuse nous-même dans ce contexte. Quel effet tout cela va avoir sur nous et quel effet nous allons nous-même avoir sur le monde ? C’est beaucoup d’introspection et, paradoxalement, c’est ce qui nous lie un peu tous. »
« Dans mon travail comme dans celui de (LA)HORDE, on aime refléter ce que l’on voit et ce que l’on ressent de la société. C’est une sorte de grand miroir que l’on va un peu exagérer pour le présenter au public, mais toujours avec cette espèce de gros point d’interrogation gravé dessus. »
« Dans la pièce, on évoque notamment les dynamiques d’influence qui sont devenues omniprésentes, surtout dans nos métiers. Les motifs qu’on y retrouve sont beaucoup issus de TikTok et du métavers, avec ce que ça peut avoir d’effrayant. Intéressant, mais effrayant ! »
« Je me suis inspirée de la tendance de la 3D avec toutes ces silhouettes digitalisées. Le projet fait écho à Grand Theft Auto, un jeu vidéo culte dans lequel les personnages sont assez identifiables esthétiquement. J’ai aussi puisé dans Les Sims. Je voulais des silhouettes réalistes, documentaires, mais qui garderaient cet effet "jeu vidéo". »
« J’ai été chercher des essences d’années 90, 2000, voire 70’s et 30’s, mais en restant dans une esthétique contemporaine qui ne cède pas à la facilité. Je pars de la tendance de ces derniers temps pour aller vers quelque chose de nouveau qui n’existe pas encore. C’est ce type de démarche que je cherche à développer en tant que styliste. »
« Le look sportswear Juicy Couture en velours nude avec le logo en strass sur les fesses et dans le dos par exemple, je suis vraiment allée l’acheter dans une démarche documentaire. Plutôt que de l’upcycler en le recomposant avec d’autres pièces vintages comme je le ferais d’habitude, j’ai voulu le montrer tel qu’il est, et pour ce qu’il est. »
« Un ensemble comme ça, ça convoque un type de personnage particulier, un genre d’influenceuse "à la Kardashian". Du coup j’y ai ajouté de fausses fesses et de fausses hanches, très dans la veine des critères de beauté actuels. Mais dans la pièce, on l’a attribué à Aya Sato, une danseuse japonaise plutôt petite et à la morphologie enfantine, très éloignée du personnage qu’évoque le costume a priori. Quand on la voit comme ça au plateau, ça en dit long sur les dynamiques de projection que ces corps idéalisés peuvent susciter, notamment chez les plus jeunes, et sur le décalage tragicomique que ça peut créer. »
« Quand j’ai commencé à travailler avec (LA) HORDE, j’étais vraiment très jeune, j’avais 20 ans et je n’avais jamais fait de costume. C’est à la suite du stylisme de l’affiche de Room With a View qu’ils m’ont proposé de faire des costumes pour le spectacle et entre les deux il y a eu le Covid, comme une sorte d’ellipse qui était très intéressante. Dans Age of Content, on travaille énormément sur tout ce qui touche le métavers et on cherche justement à faire ressentir ce sentiment d’ellipse aux gens. »
« Il y a eu Room With a View, le Covid, deux ans se sont passés, on a commencé à travailler sur Age of Content, sur Roomates et We Should Have Never Walked on the Moon en même temps. C’est comme si le temps et la vie s’étaient arrêtés et que j’avais été propulsée dans une espèce de dimension parallèle où plein de choses se passaient simultanément. Ce process a contribué à me rendre adulte je pense. »