Le temps d’une résidence au Ballet National de Marseille, la chorégraphe Latifa Laâbissi poursuit la construction d’un projet qui sera présenté en automne 2025 à la Manufacture de Lausanne : Danses tordues and Prodigies.

Ces « danses tordues » recouvrent une famille à laquelle j’appartiens et dans laquelle on trouve la danseuse Polaire, des années 1900, ou encore Valeska Gert, Joséphine Baker, ou, dans un tout autre registre, les danseurs de zouk. Ces danses sont « tordues » car elle vont chercher dans le grotesque une force politique et sociale loin de la droiture et de la norme.

Il y avait des corps corsetés et voilà qu’ils se tordent… c’est comme si on essayait de sortir le jus du réel.

Danses tordues and Prodigies est « un montage de danse et de parole », à la fois une conférence et une performance. Latifa Laâbissiy casse les codes verticaux de la conférence, y opère des digressions, prêtant son corps à celles et ceux qui l’ont influencée.

« L’hétérogénéité des sources et le mélange des registres fait partie intégrante de mon travail », dit celle qui s’inspire aussi bien de la chorégraphie abstraite américaine de Merce Cunningham dont elle est issue, de l’histoire de l’art ou de la performance (Bruce Nauman, Esther Ferrer…), et des nouvelles relations hybrides qu’elle tisse entre revue dansée, stand-up, humour, satire…

© Rembert de Prez

Cela pourrait être une sorte de duo avec les fantômes de tout ceux que j’ai ingérés, cannibalisés… J’aime être peuplée quand je danse. Incarner une multitude, forcément hétérogène, faire apparaître plein de figures.

Le terme de « Prodigies » me renvoie aussi à l’époque trash de Barnum avec des personnages comme la femme à barbe, qu’on trouve dans plusieurs de mes spectacles, ou la sorcière. Comme chez Mary Wigman, le corps, considéré autre ou monstrueux, s’y revendique, et renverse le stigmate.