Depuis 2 ans, Cecile B. Evans revisite le ballet classique Giselle pour le repenser comme un thriller écoféministe. Après un court-métrage et une installation-performance, elle achève sa relecture en trois étapes par un long-métrage : A Future Adaptation of Giselle (Willis’ battle of whatever forever). Ce projet pluridisciplinaire avec les danseur·euse·s du BNM et les étudiant·e·s de la classe supérieure du cycle préparatoire de l'ENDM a été diffusé à la Kistefos Museet-Foundation en Norvège.

Ballet romantique sur le thème de l’amour impossible entre une paysanne et un prince, Giselle est projeté dans un futur dystopique où le changement climatique et la surpopulation ont engendré une migration massive dans des zones rurales.

« Nous vivons actuellement un deuil collectif : nous pleurons la perte de nos écosystèmes, de nos populations et d'un monde dont nous pensions autrefois faire partie. »

Cette réécriture se situe à la croisée de plusieurs crises : écologique, sanitaire, idéologique et politique, à un moment où la peur de l’avenir est devenue une constante dans nos vies. Face à l’oppression du système capitaliste et à mesure qu’il se fissure, les appels au changement retentissent de plus en plus fort. Avec son film, Cecile B. Evans chorégraphie la révolution et la résistance de nos émotions dans un monde qui s’effondre.

« Libérer nos corps de l’emprise des systèmes violents est à la fois un processus de libération et un rituel de mort. »

L’artiste déconstruit une scène de transition cruciale au récit : la rencontre de Giselle après sa mort avec les Willis. Le passage vers l’autre monde est réinterprété comme un cri de guerre, un moment de révolte où une communauté se mobilise pour lutter pour un destin collectif.

Cécile B. Evans prend le contrepied de la vision originelle du ballet dans lequel les Willis, femmes-fantômes, sont méprisées. Pour l’artiste, elles sont « libérées » et constituent au contraire une communauté anti-patriarcale. Incarnant la non-conformité, en marge de la société, elles illustrent celleux que l’expérience a obligé à développer des stratégies de survie et d’évasion.

Si le travail de Cécile B. Evans nous invite à réfléchir collectivement à des manières de vivre le changement, c’est parce qu’après plus de deux ans de pandémie mondiale, les confinements nous ont déconnecté·e·s très radicalement d’une conception linéaire du temps. Pour l’artiste, s’offre à nous la possibilité de « trouver de nouveaux rythmes pour exprimer collectivement cette envie de vivre, de mettre de nouveaux mondes en mouvement ».