Visible en sortie de résidence du BNM le 20 mars dernier, High Gear représente un nouveau chapitre créatif pour Kidows Kim. Le troisième d’un projet qui en comptera vingt :
C’est un projet sur le long terme, qui évoque une cosmogonie intime. Ces vingt actes performatifs vont constituer dans leur ensemble une sorte de dictionnaire de créatures fantastiques, situées à mi chemin entre fiction et réalité.
High gear évoque la vitesse. Celle du yonkoma, un genre de manga comportant seulement quatre cases, très populaire dans la presse politique en Corée. Mais aussi le tournis de nos sociétés contemporaines absorbées dans une quête perpétuelle d’efficacité, d’immédiateté, de rapidité et de consommation compulsive.

En solo sur le plateau, Kidows Kim y relate par le corps le caractère cyclique et répétitif des processus contemporains de production, de consommation, recyclage ou réincarnation, poussés jusqu’au vertige. Et cherche peut-être à s’en affranchir.
Cette pièce est la métaphore d’un cycle infini, à la fois personnel et collectif. Elle procède comme le yonkoma en quatre images qui correspondent aussi à des vignettes intimes : Naître, Manger, Travailler, et enfin Mourir… car le mot qui dit le chiffre 4 en Corée est le même qui désigne la mort.
Chaque scène appelle donc son souvenir vécu, son geste particulier, sa traduction sur scène. Chacune inscrit aussi la mémoire intime dans une dramaturgie collective du devenir.
Je voulais toucher cette structure universelle, en tant qu’humain, mais en partant de mon interprétation personnelle. Si j’ai l’expérience de la naissance, de l’acte de manger, du travail … la mort est pour le moment encore la seule que je n’ai pas.

Intrigué par la gestuelle accentuée des mangas alternatifs qu’il collectionne, par les onomatopées, cris, mastications, et visages déformés qui les caractérisent, Kidows Kim a donc cherché à ancrer son geste chorégraphique dans une dramaturgie de l’illustré, par-delà la juxtaposition des images.
La temporalité des images de mangas est assez flottante. Mais ce qui m’a intéressé, c’est le travail sur ce qui se trouve justement entre ces images. Il s’agit d’activer comme une mémoire fantomatique, une présence mémoire dont je suis l’activateur.
Porté par une bande-son inspirée des années 1970-1980, la scénographie construit un espace interstitiel, à la fois paysage intime et sculpture d’outre-tombe… où l’on trouve à la fois chaînes de vélo, qui font comme des tentacules, costumes, mobile et têtes de poupées, etc.
C’est une sculpture personnelle et collective, dont tous les éléments sont solidaires.
