Après Samedi Détente, où elle racontait son histoire et ses souvenirs du génocide au Rwanda et Unwanted, une pièce qui évoque le viol de guerre, Dorothée Munyaneza crée Mailles, un spectacle dans lequel des femmes artistes africaines et afro-descendantes racontent leurs parcours.

Chanteuse, autrice et chorégraphe d’origine rwandaise, Dorothée Munyaneza poursuit avec Mailles la démarche entreprise sur ses autres créations : partir du réel pour saisir la mémoire et les corps de celleux dont on tait les voix. La pièce rassemble des histoires singulières pour créer « les mailles d’un même tissu ». Elle explore la question de la transmission intergénérationnelle, entre mémoires ancestrales et actuelles.

© Leslie Artamonow

« L’idée de faire corps à plusieurs, c’est un geste artistique (…), d’être visibles en étant nombreuses sur un plateau, mais le fait d’être nombreuses devenait quelque chose en soi. »

Le nombre est un geste politique. Dans un contexte où la libération, voire même la possibilité de la parole, sont devenues un enjeu de société, donner de la visibilité à des femmes marginalisées est une revendication forte. Avec Mailles, Dorothée Munyaneza permet à ses interprètes et à leurs récits d’occuper et de se (ré)approprier l’espace. Prendre la parole pour faire entendre les silences et voir les cicatrices de l’Histoire.

© Leslie Artamonow
© Leslie Artamonow

« Cela raconte notre humanité, dans sa capacité à engendrer ce qu’il y a de plus atroce et de plus beau. »

Mailles aborde frontalement la question de la violence des « systèmes qui anéantissent » par un travail du corps à travers les cris et les mouvements. Mais la pièce est aussi une célébration de ces femmes dont elle magnifie « la joie, la force vitale, la poésie, la beauté », de cette résilience qui s’enracine dans une sorte de transe partagée. Car pour Dorothée Munyaneza, la joie est « notre plus belle arme à travers cette violence, cette déshumanisation, cette invisibilisation », une « façon de résister ».