Dans le Parc Henri Fabre à Marseille coexistent deux mondes qui communiquent peu : d’un côté le Ballet national de Marseille, forteresse blanche de l’architecte Roland Simounet, et de l’autre, le parc à chiens. Lors de sa résidence au BNM en mai 2022 sur sa pièce Climal, la chorégraphe Balkis Moutashar se donne une mission : décloisonner ces espaces hermétiques et les faire se rencontrer...

« En travaillant le mouvement des animaux, on entre en contact avec une part de nous un peu oubliée ou en tout cas très mystérieuse, très archaïque, très ancienne et qui en même temps fait vraiment partie de nous aussi. »

Cette observation de la chorégraphe Balkis Moutashar est le point de départ de Climal. À la croisée du contexte écologique actuel « qui nécessite urgemment de (ré)interroger les relations que nous entretenons aux autres formes de vie présentes sur terre » et de questions plus spécifiques, la pièce explore, éprouve, interroge et partage ce lien aux autres vivants.

« Je me suis dit que c’était plus juste de rencontrer des animaux déjà en relation avec l’homme, qu’on peut appeler des animaux domestiques. »

Lors de sa résidence au Ballet national de Marseille, Balkis Moutashar cherche à créer les conditions d’une rencontre entre les danseur·euse·s et les chiens du parc Henri Fabre, dans l’espace délimité et partagé du studio. Après un « casting canin » rocambolesque orchestré par les équipes du ballet, quatre chiens sont invités à participer au projet.

Il commence par l’observation : « on n’imite pas, on ne "fait" pas les chiens, on essaye de comprendre leurs rythmes, et de savoir comment nous, on peut rentrer dans ce rythme-là ». Puis vient le moment de la confrontation au plateau. Moutashar se souvient de cette fois où un American Staffordshire terrier a déboulé dans le studio comme une tornade...

« Il y avait une danseuse qui s’est mise à courir avec lui et je ne l’avais jamais vue comme ça. Il y a eu une espèce de jaillissement d’énergie pure, qui a été créée par la présence de ce chien et qui a fait ressortir chez elle quelque chose qu’ils pouvaient partager et qui était extrêmement fort. »

Pour raconter le processus global de l’écriture de sa pièce au-delà de son travail avec les chiens au BNM, la chorégraphe a décidé de tourner un documentaire de création. Il témoigne de ces moments qui ne sont pas reproductibles, où la corne d’une chèvre qui s’appuyait sur le corps d’un danseur a créé un mouvement de colonne vertébrale qui n’aurait jamais pu être créé autrement.

Ni tout à fait humains, ni animaux, les corps transformés dans Climal par l’attention que se portent les êtres vivants entre eux font éprouver de nouvelles formes de vie.