Une carrière de marbre. Des appareils s’affairent, débitent et polissent la roche. Dans ce lieu en dehors du monde et derrière ses machines, RONE sculpte d’amples paysages électroniques et émotionnels pour une horde de ravers. Si les sculpteur·rice·s travaillaient le marbre pour « libérer la forme humaine à l’intérieur du bloc » (Michel-Ange), les interprètes, eux, dansent pour se soustraire à la blanche immobilité des pierres, se dressent pour scruter les contours infiniment humains d’un désastre annoncé et envisager la possibilité même de sa beauté. La scène est une page vierge, un espace pensé comme un white cube naturaliste, une photogrammétrie 3D lacunaire où il est possible de projeter des sons, des images et de penser avec les corps la place mouvante de l’humanité.
Invité par le Théâtre du Châtelet pour une carte blanche, RONE a souhaité travailler avec (LA)HORDE. Ensemble iels poursuivent l’exploration des formes de soulèvement, de contestation et de révolte par la danse. Room With a View était également pour Rone l’occasion d’un nouvel album, d’une performance unique où faire résonner les cris de ses machines qui nous invitent à de nouvelles échappées, à tracer des lignes de fuite vers des chants qui existent bien au-delà des hommes.
(LA)HORDE a pensé ce spectacle comme celui d’un difficile éveil des consciences, d’une marche forcée par la perspective écrasante de l’effondrement, et iels l'ont polarisé sur les rapports physiques que nous entretenons au groupe et à notre environnement. Une exploration des frontières et des nécessaires interdépendances de nos corps.
Le collectif a choisi d’incarner les mouvements souterrains, haineux comme amoureux, qui nous agitent et dont la compréhension ouvre la voie à une appréhension plus globale des inévitables luttes et conflits à venir. La chorégraphie rencontre la musique pour raconter la souffrance et la légitime colère des générations actuelles qui cherchent à se fédérer pour se donner sens, dans des communautés de fête et de combat, débordées par les infinies violences du monde, qu’elles rejouent en boucle, dans leur chair, comme pour les exorciser.
(LA)HORDE a imaginé un espace trouble propre à faire apparaître la paradoxale beauté du chaos, celle qui naît de l’énergie salvatrice et de la force collective qui jaillissent des effondrements multiples. En cela, iels se reconnaissent profondément dans l’appel, lancé par l’écrivain de science-fiction Alain Damasio, à mener une « guerre des imaginaires » : une guerre contre tout ce qui appauvrit les possibles et étouffe les utopies politiques qui tentent de réinventer le monde.