Chorégraphe et pédagogue, Laia Santanach s’intéresse depuis 2018 à la notion de tradition. Sa création précédente AER revisitait la danse traditionnelle catalane du contrepas avec une perspective de genre. Avec Tradere, elle poursuit cette exploration des pratiques et performances ritualisées.

Des pactes non écrits qui ne sont pas remis en cause, qui sont.

Laia Santanach s’ouvre ici aux pratiques traditionnelles occidentales, non nécessairement dansées, lesquelles exigent pour être transmises et partagées un engagement du corps. Un corps qui peut aller jusqu’à sacrifier son intégrité physique, se mettre en danger au nom de la tradition, de la croyance, pour créer une communauté autour de festivités. Jusqu’où soumettre son corps ? Pourquoi ce désir de l’humain de perpétuer ces pratiques ?

La pièce s’articule autour de deux axes, que la double signification du terme tradere reflète : l’acte de “transmettre” et celui “d’abandon”. D’un côté, interroger le lien générationnel et la communauté qui se forme par la transmission de pratiques ritualisées. De l’autre, réfléchir sur ce don de soi et de son corps à la tradition. Chorégraphiquement, cela se traduit par la répétition et l’imitation d’un même geste par différents corps.

Construite autour de quatre actions (saut, course, poids, mouvement générateur), l’écriture met les corps en danger, dans un équilibre fragile. Sur un paysage sonore complexe qui mêle musique électronique, guitare et batterie sur scène, chants déchirés et bruits de corps qui se battent, cinq danseurs tournent dans une rotation qui s’accélère. Mouvement de mains en offrande, jambes ancrées, autant de gestes rituels d’une grande physicalité où le sacrifice et la répétition obsessive engendrent le collectif.

Avec Tradere, Laia Santanach explore la manière dont la tradition se mue, évolue, change de forme et de perception, interrogeant nos références sans cesse mélangées, réinterprétées et réinventées.